Le blog des entrepreneurs Bouts de ficelle et entrepreneuriat
Sophie Molina, co-fondatrice de la société MySeat, une solution d’optimisation des espaces de travail, revient sur son expérience d’entrepreneure. Elle nous explique ici pourquoi elle n’a pas fait de levée de fonds immédiatement et pourquoi commencer avec peu de moyen est un atout. Prenez note !
Portrait d’entrepreneur
MySeat, une entreprise innovante
Le busines plan, un moyen de formaliser un projet
Le business plan, un outil d’apprentissage
Les erreurs, passage obligé dans un business plan
Le business plan, une vision
Le business plan, un tout cohérent
Une levée de fonds en vue ?
Le business plan, un document à ne pas négliger
Le mot de la fin
Sophie Molina, 26 ans, co-fondatrice de l’entreprise MySeat nous présente sa société. Après un parcours dans l’entrepreneuriat social, elle a créée son entreprise. Elle revient sur son expérience du business plan, et nous fait quelques recommandations.
“Commencer par jongler avec des bouts de ficelle force l’inventivité et l’ingéniosité des entrepreneurs !”
Etudiante en géographie, je m’orientais vers une carrière de chercheuse dans les pays en développement quand je me suis rendue compte qu’il manquait, à mon sens, une dimension à cette carrière en devenir : l’action. Le sentiment de faire quelque chose de concrètement utile,d’aller, au-delà des recherches et de l’analyse d’un problème, vers sa résolution. J’ai donc poursuivi mes études par une école de commerce. Je me suis engagée dans un apprentissage au sein d’une structure en création, le Mouvement des entrepreneurs sociaux, association dédiée à rassembler les entrepreneurs sociaux en France, faire connaître leurs métiers et leurs valeurs, et permettre à cette économie « sociale » de se développer et de susciter de nouvelles vocations. Après deux années au service de ce réseau d’entrepreneurs, j’ai eu envie d’entreprendre à mon tour. Un ami souhaitait lancer son entreprise et m’a sollicitée pour l’aider, sachant que je connaissais bien le réseau entrepreneurial parisien et français. Et je me suis lancée dans l’aventure entrepreneuriale, ravie de mettre les mains dans le cambouis. Bonheur de créer et d’être indépendante.
MySeat est une startup dynamique, incubée à l’ESSEC. Elle a pour vocation de rendre le mobilier intelligent et communicant, pour faciliter le travail nomade et la gestion des espaces de travail 2.0. Notre premier produit, Senseative©, est un capteur qui permet de savoir à distance et en temps réel quelles sont les places libres et occupées dans un espace donné, via une cartographie interactive des locaux équipés.
Il permet également d’établir des statistiques d’occupation précises des locaux sur le long terme. Cet outil facilite le déplacement des salariés et la gestion des espaces pour un directeur immobilier.
Prenons l’exemple d’une entreprise dont les salles de réunion sont réservées 30% du temps. Réservées ne signifie pas systématiquement occupées. Installant nos capteurs, l’entreprise pourrait connaître avec précision son taux d’occupation réel. Admettons que ses salles de réunions soient réellement occupées à 50 % de leur capacité (5 sièges sur 10) 25 % du temps, par exemple. Le directeur immobilier pourrait alors décider, en connaissance de cause, de redimensionner ses salles de réunion, d’en réduire le nombre et de transformer l’espace disponible en bureaux ou lieux conviviaux ou, tout simplement, choisir de réduire ses coûts locatifs en adaptant son espace loué aux besoins analysés. Les salariés pourraient savoir en temps réel quelles sont les salles de réunion disponibles. Les salles de réunion pourraient être allumées et climatisées ou chauffées en fonction de leur occupation effective.
MySeat permet ainsi de gagner du temps, de l’énergie et de l’argent.
Nous avons rédigé un business plan avant de nous lancer dans la R&D du système Senseative© pour plusieurs raisons :
Se forcer à rédiger avec précision son business plan permet de débroussailler efficacement un sujet au départ très touffu : on voudrait aller dans toutes les directions quand on crée son entreprise ! On fourmille d’idées… pas forcément toutes pertinentes. Le business plan permet de se connecter aux besoins réels et d’avancer concrètement ensuite. On maîtrise bien mieux son sujet après !
Nous avons beaucoup appris sur notre marché (taille, régions du monde où rechercher des clients) et les attentes réelles de nos prospects (fonctionnalités attendues, lieux à équiper). Nous avons ainsi pu affiner notre angle d’approche et notre ligne directrice de développement, en précisant les fonctionnalités des capteurs à mettre en œuvre. (Pour en savoir plus sur l’étude de marché, lisez notre dossier ! )
D’autre part, cela nous a également permis d’établir de premières estimations des coûts afférents à la création et au développement du système Senseative©, et d’identifier les acteurs susceptibles de nous aider à financer cette première partie de l’aventure.
Ce sont nos appréciations en termes de durée de recherche et développement (R&D) qui se sont révélées être les moins fiables… un peu trop optimistes ! Nous pensions arriver à nos fins bien plus tôt que le temps qu’il nous a réellement fallu pour développer nos capteurs actuels.
Nos projections financières se sont trouvées, de ce fait, un peu trop optimistes également, puisque nous pensions pouvoir commercialiser nos premiers capteurs bien plus tôt que dans les faits. Nous pensions passer 6 mois en R&D et pouvoir commencer à commercialiser notre premier produit au bout d’un an, finalement nous en sommes à presque deux ans de R&D et nous commençons tout juste à inviter nos prospects sur les lieux du projet pilote. C’était le prix pour aboutir à un produit fiable et bon marché.
Les analyses de marché, les prévisions financières (coûts de développement) sans tenir compte de la durée de développement, la présentation du fonctionnement du système Senseative à venir, le déroulement des recrutements des différents membres de l’équipe, bref, une grande partie de nos analyses et prévisions se sont avérées exactes et nous ont servi de fil directeur (concept de la prophétie auto-réalisatrice !) jusqu’ici. Cela dit, nous actualisons régulièrement notre business plan, en fonction de nos développements et des concours ou entretiens que nous passons avec des financeurs et de nos rencontres avec nos prospects ou des conseils. Un business plan est un outil à revoir sans cesse, en fonction des nouveaux paramètres du développement de l’entreprise.
Toutes les parties du business plan sont importantes… pour différentes raisons. Si je devais en choisir deux, je dirais que la partie analyse de marché est primordiale pour s’assurer que l’on a bien compris l’environnement dans lequel on s’apprête à se lancer et pour lequel on s’apprête à développer un service ou un produit. Que d’heures perdues dans une mauvaise direction, quand les besoins ont été mal compris ! Et la seconde est la partie financière, qui permet de prendre conscience des besoins à venir et d’élaborer des stratégies pour obtenir les fonds nécessaires aux premières recherches. Le nerf de la guerre…
Nous avons d’ores et déjà levé des fonds pour financer la première partie des coûts de recherche et développement, ainsi que les démarches administratives liées à la création d’entreprise.
Toutefois, un bon conseil : lever des fonds importants dès le début, pour une startup, n’est pas nécessairement une bonne idée. Devoir commencer par jongler avec des bouts de ficelle force l’inventivité et l’ingéniosité des entrepreneurs. Ces qualités sont moins stimulées lorsque l’on a d’importants moyens à disposition dès le départ. D’autre part, lever des fonds implique de céder une partie de son capital. Le revers de l’argent reçu, notamment en début de création, c’est donc de perdre une partie du contrôle de son entreprise, de devoir rendre des comptes, et d’avoir moins d’incitations (en fonction du montant du capital cédé) pour développer son entreprise. Aujourd’hui, nous sommes quatre associés, aucun de nous n’est salarié par MySeat et nous travaillons d’arrache-pied pour nous donner les moyens de nous salarier prochainement. Serions-nous aussi persévérants et pugnaces si nous avions un salaire garanti pour un ou deux ans grâce à une levée de fonds importante ? La question reste ouverte. De notre point de vue, nous envisageons plutôt, aujourd’hui, de faire des prêts d’honneur à taux zéro afin de nous permettre de tenir seuls jusqu’au moment où notre activité nous permettra de nous salarier et de réaliser les investissements en R&D nécessaires, plutôt que de réaliser une seconde levée de fonds plus importante. En revanche, dès lors que l’entreprise aura prouvé son potentiel et obtenu de premiers contrats, nous nous intéresserons à une seconde levée de fonds, orientée « capital dévelopment » et non plus « capital investment » : le pouvoir de négociation entre associés et investisseurs devient alors plus équitable.
En premier lieu, ne négligez pas la rédaction de ce document, qui vous est tout d’abord utile à vous. En deuxième lieu, ne gardez pas ce business plan pour vous : faites-le relire et commenter par des personnes d’expérience, pour vous aider et vous conseiller. En dernier lieu, ne considérez pas que ce qui est écrit dans votre business plan est gravé dans la pierre. Il faut parfois tout remettre en question pour prendre une bonne direction et aller vers un projet viable ou plus intéressant. Un business plan reste un support utile, mais certainement pas un absolu duquel ne pas s’éloigner. Dans ce cas, remettez-vous à l’ouvrage et re-rédigez-en un plus adapté à la nouvelle tournure de votre projet lorsqu’il aura mûri ou se sera confronté au marché avec plus ou moins de succès !
N’hésitez pas à faire relire votre business plan par des amis proches, qui ont un œil exercé sur les projets d’entreprise si possible. Il y a des incohérences dans le document que parfois l’on ne perçoit pas quand on l’a rédigé soi-même, seul. Et il y a toujours de bons conseils à prendre, quand on fait relire son business plan. D’autre part, n’ayez pas peur de vous faire « piquer l’idée ». Si c’est vous qui avez eu l’idée, la personne la plus à même de développer le projet ce sera vous. C’est vous qui aurez la « vision » du projet. Quelqu’un qui reprendrait l’idée sur la base de ce que vous en aurez écrit n’aura qu’un tout petit bout de la complexité réelle du projet en main, et certainement pas votre pugnacité pour mener son développement à bien. On gagne beaucoup plus à partager son idée qu’à la garder pour soi en ayant peur de se la « faire piquer ». Bonne chance !
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